Lettre au fuyard

à Ed Vidmar  


Un feu follet que la brume dissipe

où nos âmes errantes se morfondent

en d'impurs soliloques.

Cette bruine qui menace ton couvert végétal

t'agrippe à l'orée du taillis, vautré parmi

les fougères, succombant aux mousses céruléennes,

le membre sanguinolent fiché dans la terre ammoniaque

somnambule honteux sous l'acquiescement incrédule

du jésuite.

Courage, frère, 

va

le regard soudé sur l'azur

cloué au mat de misaine, sans rancune

avance, arrive.


Moi

je me maquille en homme pour combler le vide

de ta future absence, le gouffre de ton départ

pour éclipser ta fuite.

À l'heure de l'aveu

quand l'ancre de ton navire écorchera le fond de la Baltique

hersera de sillons sulfureux l'antre meurtri

et qu’ivre de douleur et d'amertume, rasant les murs, arpentant

les quais d’un bouge à un autre,

d’échoppes lumineuses,

en estaminets enfumés

tu moucheras les embruns

maugréant à la face du ciel,

le pas vengeur

je ne serai déjà plus qu'une empreinte dans le silence, une ombre furtive

sur le parvis de la cathédrale Saint-Guy

un reflet dans le miroir d'une flaque

un visage flou dans la torpeur bohémienne.

Un passant                                                             

 

Chicago, le 29-12-1992

Dominique Falkner